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Go Down Under - Episode 3.1

Un souci arrive rarement seul


— Je pense que j’aurais dû les ménager un peu après leur avoir dit que je restais plus longtemps en Australie...

— Ca a fait beaucoup d’un coup. Ton expatriation est plus longue que prévue ET t’es en couple avec ton host dad.. Résumait Alex, un de mes collègues francophones, originaire du Sud de la France.

La journée en était qu’à sa moitié et j’en avais déjà ras le bol!

J’avais passé la matinée à distribuer des CV dans tout le coin Richmond, à trois kilomètres du centre de Melbourne. J’avais fait le tour de toutes les pâtisseries, boutiques de vêtements, de souvenirs, bref n’importe quelle boutique nécessitant une vendeuse. J’avais dû distribuer au moins une vingtaine de CV. La chaleur assommante m’avait drainé mon énergie en même pas trois heures.

De plus, mon moral était assez bas.

Hier soir j’ai tout balancé à ma mère au détour d’une conversation WhatsApp. J’aurais peut-être dû lui dire uniquement que je comptais rester plus longtemps à Melbourne sans avouer ma relation.

Au départ j’étais censée rentrer dans environ un mois, et là je lui annonçai que finalement je restais plus longtemps, sans lui mentionner un possible retour à Namur.

Et quand je leur ai dit que je vivais une relation amoureuse avec mon host dad...là ce n’est pas passé.

Ils savaient depuis ce road trop à Sydney qu’il sortait de dépression. Ils s’imaginaient sans doute que j’étais toujours atteinte du syndrome de l’infirmière. Vous savez, ce genre de femmes qui va toujours vers des personnes en difficulté, malheureuses, impuissantes etc…

Auparavant, telle une héroïne de New Romance à succès comme After, j’avais le chic pour endosser le rôle de la sauveuse dans mes relations passées, aussi bien amicales qu’amoureuses.

Mon ex était l’archétype du bad boy insécure. Alors oui, il était charmant et son coté écorché vif m’avait séduite. Mais il avait mal poussé. Même sa vie était un cliché de fanfic Wattpad! Issu de la classe populaire souvent montrée par cette maudite émission qu’était Striptease. Une mère un peu simplète et un père au chômage suite à un accident de travail. Le classique père de famille qui rapportait l’argent à la maison et qui s’est senti touché dans son ego masculin une fois mis au chômage. au lieu de se relever, il noyait son mal être dans l'alcool.

Résultat, il passait ses nerfs sur son fils et sur sa femme. Je n’ai pas le souvenir de coups, mais il était verbalement violent. A cause de ça, mère et fils faisaient corps contre lui. Mère qui d’ailleurs n’a jamais coupé le cordon avec lui. Leur relation pouvait être parfois gênante. Mais là n’est pas le sujet.

Son père estimait que vu qu’il ne ramenait pas d’argent, personne n’en aurait. Il décourageait femme et fils de trouver un emploi.

Quand je lui disais d’aller vers tel ou tel endroit qui cherchait quelqu’un dans ses cordes, il préférait pleurnicher et dire que “de toute façon, ils ne me prendront pas”. Il n'avait aucune confiance en lui, mais trouver du travail l’aurait peut-être aidé.

Il avait tendance à s ‘auto saboter aussi. Il allait aux entretiens mais faisait tout ce qu’il ne fallait pas faire, juste pour ne pas être rappelé.

C’était aussi à cause de ça que je l’avais quitté. J’avais également compris mon syndrome de l’infirmière et j’avais réussi à me déconstruire pour avoir des relations plus saines. Sans grande surprise, il l’avait mal pris et m’avait supplié pour que je revienne en jouant les amoureux transits façon “sans toi je ne suis plus rien”.

Il m’avait harcelé pendant des mois, ça avait été très dur aussi bien pour moi que pour mes parents. C’était pour ça que je m’étais envolée pour le pays des koalas, un simple nouveau départ.

Si, à l'époque, je nouais des sentiments amoureux parce que je voulais aider la personne, avec Gill s’était totalement différent. J’ai commencé à l’aimer quand il a commencé à aller mieux.

Et ça, mes parents ne voulaient pas le croire.

A leurs yeux, j’étais toujours l’archétype de la chanson “Les petits chapeaux” de Goldman. “Elle ramasse les paumés, tout c'qui traîne. Les vieux, les chats, dans l'tas y avait moi. Les plaies, les bosses, ceux qui saignent, elle aime

Le ton était vite monté. Mon père m’avait lancé un cinglant “Tu vas rendre ta mère malade avec tes conneries”. J’avais répliqué “Quelle connerie ? Celle de choisir d’être heureuse dans un pays que j’aime et aux côtés d’un homme qui n’a pas joué de sa maladie et qui est respectueux ? Si maman se rend malade à cause du bonheur de sa fille, le problème vient d’elle” Et je leur avais conseillé d’aller “soigner leur Œdipe" avant de leur raccrocher au nez.

Bien sûr, j’avais épargné cette scène à Gill. Je ne voulais pas qu’il culpabilise et qu’il se sente responsable de ce spectacle.

Et tout ce que je viens de dire, mes collègues expatriés francophones le savent.

— Oui je savais bien que ça les choquerait de me savoir en couple avec un quadra qui risque la rechute. Ce qui me gonfle là-dedans c’est qu’ils sont encore persuadés que j’ai encore mon syndrome de l’infirmière.

— Ne prends pas mal ce que je vais te dire, mais t’en es pas totalement débarrassée. Me lança Marion, une autre collègue venue de Paris, réputée pour être franche du collier.

— Je ne cherche plus les relations avec des hommes fragiles ou compliqués ou torturés

— Alors pourquoi t’es avec ton host dad ancien dépressif qui risque de rechuter à tout moment ?

— J’ai découvert qui il était une fois guéri!! Tu crois quoi ? Que c’est sa manière de faire les nœuds coulant qui m’a séduite ?

— Tu peux quand même comprendre que tes parents aient pris peur et qu’ils soient inquiets

— Mais ils ont toujours peur ! Peur de tout et de rien ! Ils ne me laissent jamais respirer !

— Estime toi heureuse qu’ils t’aient laissée partir à plus de dix mille kilomètres

— Même à l’autre bout du monde ils arrivent à me gaver !

— Ils s'inquiètent pour leur fille, c’est normal.

— Oui d’accord, m…

Je fus coupée par la sonnerie de mon téléphone. Je décrochais rapidement en espérant que ce soit un employeur qui accepte de me recevoir en entretien. Ce fut l'agence de personnes au pair à laquelle je dépendais.

Mon cœur se serra de stress.

— Allô?

— Bonjour Ambre. Tu vas bien?

— Oui, et vous?

Je reconnus la voix de la personne qui s’occupait de moi.

— Ca va merci. Dis-moi, je t’appelle car on a reçu un mail de tes parents qui affirme que la personne qui t’héberge serait problématique. C’est quoi cette histoire ?

Putain… Ils ont osé…

Je tentai de garder mon calme. Je me levai pour éviter sur la terrasse profite de la conversation et alla dans une rue à côté.

— Problématique ? C'est-à-dire ?

— Il semblerait qu’il soit fragile psychologiquement.


Je me mis à débiter mes arguments comme une mitraillette.


— Alors je vais mettre les choses au clair immédiatement. Oui, mon host dad a fait une dépression. Oui, il a toujours un risque de rechute comme n’importe quelle personne qui a malheureusement vécu ça. Mais sachez que ça n’a JAMAIS entravé ses missions. Jamais il n'en a joué ou utilisé sa maladie pour des mauvaises raisons. Il a pris la décision de se faire suivre, il a toujours suivi son traitement à la lettre et il a toujours été transparent envers moi. Je peux comprendre que mes parents aient eu peur. J’ai tenté de leur expliquer, en vain. Et sachez que ce mail qu’ils vous ont envoyé me surprend.

— Oui, je comprends très bien. Mais comprends que si la situation n’est pas adaptée, notre rôle est de te placer dans une autre famille.

— Oui, naturellement. Mais je n'ai eu aucun problème de n’importe quel ordre avec mon host dad.

— Je te crois. Mais je vais quand même contacter ton host dad.

— Et bien contactez le. Nous n’avons rien à cacher ni à nous reprocher.

Je lui souhaitai une bonne journée et raccrochai nerveusement. J’envoyai précipitamment un sms à Gill pour savoir où il était. J’appréhendais sa réaction…

Je revins m’assoir à table, toujours énervée, et avala ma limonade d’un trait.

— Un problème? Me demanda Alex.

— Mes cons de parents ont tapé un scandale dans mon agence et ont raconté comme quoi mon host dad était problématique!

— Hé, parles mieux de tes parents! Répondit Marion.

J’aimais sa franchise. Mais là, dans l’état d’énervement où j’étais, elle me gavait. Et elle était plus jeune que moi en plus. Pour qui elle se prenait à jouer les grandes ? A croire qu’elle ne se sentait plus depuis qu’elle avait suivi des cours de comédie dans une école réputée de Melbourne.

— Je m’en fous ! Ils ont le chic pour m’afficher partout où je vais! Bon, je vais aller retrouver Gill on va aller s’expliquer à l’agence directement. Comme si j’avais que ça à foutre.

— En même temps je peux comprendre qu’ils veuillent être rassurés. Ce sont tes parents, c’est normal qu’ils aient pris peur.

Alex était beaucoup plus diplomate et philosophique. Mais là, je n’étais pas en état.

Je les excusai de les planter là, me levai, leur souhaitai une bonne journée et quittai le café rapidement. Je voulais être seule pour me calmer. Je marchais d’un pas lourd. Mes petits talons claquaient le sol. Mes yeux étaient au bord des larmes et me piquaient. Déjà que je m’étais empêtrée dans ce problème de visa il y a un petit moment, je n’allais pas ENCORE avoir des problèmes indépendants de ma volonté. Comme si je m’étais décidée un beau matin “tiens je vais tomber amoureuse de mon host dad qui sort tout juste de dépression”.

Je n’en revenais toujours pas que mes parents aient pu contacter l’agence comme ça… Et cette manie d’avoir toujours peur de tout. De me considérer encore comme une personne naïve qui va tout donner au premier paumé venu et qui va s’écraser juste pour aider autrui… Ça, c'était le moi d’avant ! Je ne suis plus comme ça ! Et ils vont devoir le comprendre !

Non loin de là se trouvait la station où passait le train express pour Belgrave direction Boronia, à plus de trente kilomètres. L’agence était dans le coin. Je voulais aller les voir en live.

A peine j’étais dans le hall que je reçu un appel de Gill.

— Oui mon chéri?

— Dis- moi Amber, je viens de recevoir un appel de ton agence...

Sa voix avait perdu sa tendresse habituelle.

—...c’est quoi cette histoire de mail ? Tu as dit à tes parents pour nous deux ?

— Je leur ai dit pour le visa...et dans la conversation je leur ai avoué pour nous deux. Et ils ont prit peur…

— Forcément ! Tu t’attendais à quoi ? Host dad divorcé, anciennement dépressif avec risque de rechute, tu pensais qu’ils allaient saluer ça avec un grand sourire ? Tu ne les connais pas tes parents ?

— Mais mais… Ils ne peuvent rien faire. C’est à moi de prendre la décision

— Je n’ai jamais précisé que j’étais dépressif quand je me suis inscris ! Je voulais mettre toutes les chances de mon côté. Bon en même temps les agences sont peu regardantes tant que tu alignes les dollars. Ils ont plus à perdre en se séparant d’une famille d’accueil que d’une personne au pair. Je t’épargne les histoires sordides que j’ai entendues. Bref, t’es où?

— A… A la station de Richmond. J’allais prendre le train pour Boronia pour aller les voir.

— J’avais la même idée. On se retrouve devant l’agence.

— J’en ai pour quarante-cinq minutes de transport. T’es où toi?

— T’occupe. Je serai à Boronia dans trente minutes si ça roule bien.

— D’a...d’accord…

— Je te dis à tout à l’heure.

— Je t’aime…

Il raccrocha. Sans me répondre.

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