3.4 - « Il n’y a rien de mieux pour l’homme que de manger et de boire, et de faire jouir son âme du bien-être dans son travail. »
- Von_Erato
- il y a 11 heures
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Le jeune duo monta un escalier en bois sombre qui craquait sous leurs pas. Apolline avançait d’un pas lent. Chaque mouvement de sa robe caressait l’air avec grâce. Salvador gardait les yeux fixés sur les rainures du bois, luttant contre l’instinct furtif qui le poussait à lever les yeux qui lui feraient rencontrer la courbure de ses reins. Il sentait le souffle chaud de la tentation frôler les murs de son esprit, comme une fumée insidieuse. Il pria intérieurement tel Jésus dans le désert pour que cette ascension reste pure ou du moins qu’il ait la force de la vivre ainsi.
Il arriva dans une chambre aux murs couleur pêche à la décoration minimaliste, en dehors d'un coin peinture près de la fenêtre qui s'ouvrait sur le jardin. Les toiles trônaient contre le mur sous une étagère ornée de flacons et de pinceaux plus ou moins usés.
Le reste de la pièce contenait un lit deux places en fer blanc habillé d'un drap de lit bleu ciel, un placard à vêtement en bois, une psyché assortie entre les deux meubles, une coiffeuse où elle rangeait ses bijoux et ses cosmétiques et, le détail, un cœur sacré peint au-dessus de son lit.
— Peindre dans votre chambre n'est-il pas dangereux ?
— Ça l’est, en théorie. Mais j’utilise uniquement de l’huile de lin, des pigments végétaux, rien de toxique. Et je peins toujours la fenêtre ouverte. Le souffle de l’Esprit vaut bien une bonne aération, non ?
Elle eut un sourire, puis se pencha pour aligner ses tableaux finis sur le sol avec le soin d’un officiant. Un agneau endormi dans un buisson. Deux cœurs sacrés aux flammes pâles. Un serpent lové autour d’une pomme rouge luisante. Les couleurs, profondes et vibrantes, évoquaient les icônes baroques, dans une pure tradition à la Poussin : mystiques, puissantes, mais jamais figées.
Salvador se pencha, prit l’un des cœurs entre ses mains. Il resta un moment silencieux, presque ému.
— Par Saint Luc...Apolline, vous êtes incroyablement douée.
— Merci, mon Père. Peindre est ce qui me rapporte le plus de ma Foi, en dehors de l'écoute active de vos prêches. Vous parliez ce matin de l'amour du Prochain, ça me donne enfin de refaire un cœur sacré, mais eu lieu de la faire rouge je fais le faire doré, et faire un feu plus ardent. Un amour suffisamment incandescent qu'il réchauffe qui conque accepte de s'en approcher...
En voulant reposer le tableau, la toile lui échappa des mains. Il allait se pencher, mais Apolline fut plus rapide. En un geste souple, presque naturel, elle la rattrapa d’une main, un genou posé au sol, l’autre main effleurant le bois.
Pendant une demi-seconde, les yeux du prêtre tombèrent malgré lui dans le sillon discret d’une poitrine ronde, doucement hâlée par le soleil. Il détourna aussitôt le regard, comme s’il venait d’effleurer une flamme. Le plancher, la fenêtre, les tableaux… tout était devenu plus vif, plus bruyant dans sa tête. Mais cette vision, aussi brève que silencieuse, s’était greffée en lui. Il savait qu’elle ne partirait pas.
—Apolline, je...vais devoir vous laisser. Balbutiait-il, cachant tant bien que mal son trouble. Je dois préparer l'office de ce soir.
—Pas de soucis. Répondit-elle en posant son tableau sur son lit. Et sinon, est-ce que mon style irait avec l'église ?
— Oui, oui ; Je reviendrai vers vous pour une commande.
— Avec plaisir. Dès que vous avez votre idée, vous repassez ici pour qu'on en discute tranquillement. Je prévoirai une tarte aux pommes ou aux figues.
Apolline le raccompagna jusqu'à la porte où il la salua non sans se défaire de ce sourire qu'il arborait à chaque prêche. Sans être gêné par les ronflements de Mathieu qui s'était assoupi devant le JT de France 2.
Le vent lui fit échapper le porte des mains qu'il claqua d'un coup.
— Alors ? Lança une voix pâteuse depuis le salon. Il est tombé dans le piège, ton saint ?
Apolline rit doucement, sans répondre. Elle revint dans le salon, attrapa un coussin et le lança doucement sur le ventre de son oncle.
— Ce n’est pas un piège. C’est un feu.
Matthieu ouvrit un œil.
— Feu de camp ou feu de joie ?
— Feu sacré. répondit-elle en souriant, le regard rêveur
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