3.2 - « Il n’y a rien de mieux pour l’homme que de manger et de boire, et de faire jouir son âme du bien-être dans son travail. »
- Von_Erato
- il y a 2 jours
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— Bien! Alors, vous vouliez vous entretenir avec ma nièce. Vous préférez que je vous laisse seuls ou je peux rester.
— Restez donc. J’aimerais avoir votre retour sur...un événement qui a eu lieu aujourd’hui.
— Quoi donc? C’est grave?
— Grave, non. Mais disons que...comment vous tourner ça...j’ai été témoin d’une joute verbale entre Apolline et Catherine, la directrice de l’école communale.
Oncle et nièce soupirèrent en même temps.
— La vérité, mon Père, c’est que cette femme est venue, comme souvent, me provoquer à la sortie de votre office. J’ai gardé mon calme en la recadrant.
Il leva la main pour lui dire qu’il avait tout vu et qu’elle n’avait pas à se justifier.
— Bien que ça ne fasse que quelques mois que je suis arrivé dans ce village, j’ai eu le temps et des occasions d’observer bien des comportements. Et sachez que si je suis venu vous voir, Apolline, ce n’est pas pour vous faire culpabiliser.
— Tant mieux, parce que ce n’est pas demain que ça arrivera.
Mathieu sourit avec fierté face au caractère bien trempé de sa nièce chérie.
— Pour être franc avec vous, mon Père, le problème, c’est que ma nièce est tellement… irrésistible, que les hommes du village n’arrivent pas à se tenir en public. Et au lieu de les réprimander, ce sont les femmes qui, par jalousie ou insécurité, préfèrent reporter la responsabilité de leurs pensées et de leurs comportements sur elle. Comme si c’était elle qui cherchait à les séduire. Plus d’une fois, on a eu des visiteurs…vous savez, un poisson frais, une tarte maison, une quiche tiède, et des sourires soi-disant innocents. Mais ces hommes, ces animaux, ne savent pas se maîtriser, et c’est elle qui se retrouve ostracisée pour ça. Vous vous rendez compte, mon Père ? C’est un comble !
Le jeune curé ne dit mot. Un hochement de la tête suffit.
— J’assume totalement de vivre avec les plaisirs propres à une femme de mon âge. Comme l’écrivaient les Corinthiens : "Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit, qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu."
Elle marqua une pause, ses yeux brillants de conviction.
— Mes interactions sont un acte sacré, bien au-delà de ce que ces auto-proclamés gardiens de la foi semblent comprendre.
— Ce que vous dites est juste. Vous savez, la liberté de l’esprit est souvent plus difficile à porter que l’on ne le croit. Ceux qui vous regardent ne voient que ce qu'ils veulent voir.
Il marqua une pause, puis ajouta, un ton plus doux.
— Mais cela ne doit pas vous faire oublier que votre corps, comme votre âme, sont des trésors sacrés. Et si les autres ne le voient pas, alors vous devrez leur rappeler de la manière la plus ferme et la plus douce à la fois, que votre dignité ne se négocie pas.
— Exactement.
Matthieu laissa échapper un petit rire amer.
— Ma nièce a du caractère, ça ne fait aucun doute. Mais malgré tout, ça ne m’empêche pas d’avoir peur de ces idiots. C’est pour ça que je lui interdis d’aller à la fête du village. Déjà qu’ils ne savent pas se contenir, imaginez quand ils sont imbibés de vin... C’est presque comme si nous n’avions pas d’autre choix que de restreindre ses libertés pour la protéger.
Salvador, observant les émotions de Matthieu, se permit un léger sourire, mais il n’y avait ni jugement ni réprobation dans ses yeux. Il se leva doucement, son regard se portant sur le jardin par la fenêtre.
— Vous vous souciez de sa sécurité. C’est noble, et dans ce village où les regards sont si lourds, c’est presque un acte de charité. Mais il ne faudrait pas oublier que la véritable liberté de l’esprit réside aussi dans la capacité à se défendre contre ces jugements injustes, et parfois, ce sont ces batailles qui forgent les plus grandes âmes.
— C’est pour ça que je ne veux pas quitter ce village.
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