3.3 - « Il n’y a rien de mieux pour l’homme que de manger et de boire, et de faire jouir son âme du bien-être dans son travail. »

Le jeune curé posa sa cuillère sur l'assiette où trônait une part de tarte à moitié grignotée. 

— D’ailleurs, que faites vous dans la vie, Apolline?  

— Je suis créatrice de contenu,. Pour être plus claire, je crée des œuvres que je partage sur les réseaux sociaux, et je touche la rémunération des plateformes et celle des personnes qui les achètent. Comme le tableau du Jardin d'Eden qui trône dans le réfectoire de l'école communale. 

— Oh ! Il est de vous ? 

— Oui. Le trait est enfantin avec des couleurs vives exprès. 

Ils faisaient allusion à un tableau acheté par l'école dans une période où la jeune peintre s'était essayée à des créations orientées vers un public plus familial. C'était d'ailleurs la première fois qu'elle avait rencontré Catherine et son mari. Et que l'animosité avait commencé. 

Son oncle hocha la tête en buvant son thé. Il posa la tasse avant de se lever en faisant grincer les pieds de chaise contre le sol. 

— Je vais vous montrer une de ses œuvres. 

Les secondes s'étiraient entre les deux jeunes gens. Salvador triturait son bout de tarte sous le regard à la fois amusé et tendre d'Apolline. Le soleil passant dans ses cheveux châtain foncé achevait de lui offrir cette aura mystique qui faisait battre le cœur de la jeune femme. 

— Vous peignez depuis combien de temps ? 

— Environ cinq ans. L'art et Dieu m'ont accompagnée dans les moments les plus sombres de ma vie. Il a été un berger en quelques sortes. 

— Et vous, une brebis égarée ? 

— Oui. 

Mathieu revint avec une peinture à l'huile sur une toile carrée d'environ cinquante centimètres de coté. En son centre sur fond noir trônait un sublime Cœur Sacré entouré de ronces pénétrant le chair saignante, surmonté d'une croix dorée. Le trait laissait échapper cette compassion dans la violence sanglante. La compassion de Jésus mourant, portant les péchés de l'Homme sur ses épaules brisées 

— C'est le premier tableau dont j'ai été fière. Il est une sorte d'Ex-Voto. J'y ai mis toute ma Foi. 

— Et cette Foi transparaît dans le mouvement. 

Sans se défaire de la toile, il demanda : 

— Aurais-je l'occasion de voir vos autres toiles ? Si votre trait est aussi imprégné de ce Sacré, je pourrais vous en commander une pour l'église. 

— Elles sont dans ma chambre. Vous voulez me suivre ? 

Elle cru discerner une légère rougeur sur les joues de l'homme d'Eglise. Elle se retint de lui renvoyer un sourire malicieux. Il avait le visage d'un petit garçon à qui ont venait de demander s'il avait une amoureuse. Mathieu l'avait deviné et avait relevé le cadre pour cacher son visage étiré par le temps et un rire silencieux. 

— Oh, et bien...Si ça ne vous dérange pas... 

— Si je vous propose... Suivez moi. Dit-elle en se levant