– Vous avez laissé tomber ça…
J’allais descendre du RER quand cet homme m’a tendu une enveloppe. Je n’ai pas eu le temps de me demander d’où elle venait et comment elle était tombée de mon sac, je l’ai prise, je l’ai ouverte et sur l’escalator, j’ai lu la lettre qu’elle contenait.
Après mûre réflexion, je décide de répondre à ses avances. Dès le lendemain matin, profitant d’un soubresaut de la rame, je glisse, sans qu’il s’en aperçoive, ma réponse dans la poche de sa veste.
Le jour suivant, debout dans la travée, il me demande si j’ai du réseau. Pour prouver sa bonne foi, il me montre l’écran de son téléphone. « Disons plutôt 17 heures ». J’acquiesce et je passe la journée à penser à ce Laurent en comptant les heures qui me séparent de lui. Elles sont au nombre de trente-trois. Trente-trois heures à me demander si j’ai bien fait, à me demander comment ça va se passer.
Le vendredi arrive. Je n’ai pas la patience d’attendre dans ma chambre. À 16 h 45, je descends dans la rue, j’en profite pour allumer une cigarette. Je n’ai pas le temps de la fumer que je vois Laurent s’engager dans la rue et se diriger vers l’hôtel à grands pas. Il est surpris de me trouver là. Un peu intimidés, nous nous saluons d’un hochement de tête.
Dès qu’il franchit le seuil de l’hôtel et jusqu’à notre entrée dans la chambre, Laurent marche la tête baissée. Il me demande tout à trac d’éteindre mon téléphone et fait de même avec le sien.
– Je n’ai pas envie d’être filmé à mon insu et d’apprendre que la sex-tape tourne sur les sites pornos !
Je n’avais jamais songé à cette éventualité ! Je maudis ma candeur en la matière.
– Tu avais peur d’être mal vue par le réceptionniste si je lui demandais le numéro de ta chambre, c’est pour ça que tu m’attendais sur le trottoir ?
– Oh non ! Officiellement, je fais une enquête sur un sujet brûlant, cet hôtel sans vidéosurveillance, ni connexion internet me garantit, ainsi qu’à mon interlocuteur toute la discrétion requise…
– Mais c’est génial comme couverture ! Genre « Panama papers » ?
– Je préfère rester évasive en employant le terme “enquête” qui s’applique autant au journalisme qu’au renseignement.
Le regard que Laurent pose sur moi, le sourire qu’il m’adresse caressent agréablement mon orgueil. J’y puise l’audace de déboutonner mon chemisier, de l’ouvrir en grand « pour qu’aucun doute ne subsiste, pour que tu puisses constater l’absence de micro ! »
Les yeux de Laurent s’écarquillent, ses lèvres bougent sans qu’aucun son n’en sorte. Je réalise à quel point je suis excitée par la vue d’une bosse se formant dans un pantalon et ce depuis ma première rencontre dans cet hôtel.
– Tes seins… ! Je me demandais quel soutif pouvait les maintenir tout en restant invisible… en fait, t’en portes pas… Je peux ?
Laurent tend sa main vers ma poitrine.
– Je me vexerais si tu ne le faisais pas !
– Comment fais-tu pour qu’ils soient si parfaits ? Leur tenue, leur forme… quel est ton secret ?
– L’injustice.
– La justice ?!
– Non ! Au contraire, l’in-justice. Je n’ai jamais rien fait, ni sport, ni crème, ni chirurgie. Rien. Il y a quelque temps, j’ai viré mon mari et j’en ai profité pour jeter mes soutifs. Dans un même mouvement libérateur. Voilà, tu connais mon secret. L’injustice !
Mon chemisier reboutonné, je me tiens debout face au bureau. Laurent est derrière moi, contre mon dos. Son souffle sur ma nuque me grise. Sa main se faufile dans mon encolure. Je sens durcir mes mamelons. Il les sent aussi, son grognement ne laisse planer aucun doute.
– Laurent, enchanté de faire votre connaissance.
J’attrape son autre main, je la plaque contre mon pubis pour l’inciter à se coller davantage contre mon corps.
– Geneviève, également enchantée !
Nous nous chauffons un certain temps. Tout en conversant de tout et de rien, surtout de rien, Laurent remonte ma jupe. Je lui tourne toujours le dos. Sa main se glisse entre mes cuisses.
– Tu ne portes pas de culotte ?!
– Je les ai jetées en même temps que mes soutifs. Ça t’ennuie ?
– Non, au contraire, mais j’y penserai quand on se croisera dans le RER !
– Avec émotion, j’espère…
Laurent est en sueur, l’hôtel n’est pas climatisé et en cette fin juin, la chaleur est étouffante. J’ai pris une douche avant de l’attendre sur le trottoir, il me dit de me mettre à l’aise pendant qu’il prend la sienne.
Assise au bord du lit, les jambes légèrement plus écartées que prescrit par la bienséance, mon chemisier est néanmoins boutonné. Une main posée sur ma cuisse, l’autre jouant avec un collier imaginaire, je regarde au loin, comme absente.
La porte de la salle d’eau s’ouvre. Laurent est nu, je regarde son corps, mais très vite seule la vue de son sexe focalise mon attention. Je ne réalise pas tout de suite que ma main a glissé entre mes cuisses, que l’autre caresse mon sein dont le mamelon pointe si fort qu’il semble ne faire qu’un avec la soie.
Pour masquer mon trouble et jouer mon rôle de la belle indifférente, je tourne mon regard vers la fenêtre. Laurent s’approche. Il pose sa main sur mon épaule. Je soupire d’aise et, dans un même mouvement, donne un petit coup de langue sur son gland.
Je regarde enfin Laurent. Il me sourit et ferme les yeux comme lorsqu’on veut être sûr de ne pas oublier. Le goût de son sexe est divin. J’en oublie le plaisir que je procure à Laurent tant celui que je prends me submerge.
Les mains de Laurent caressent doucement mes joues, mes lèvres. Le grognement continu du plaisir qu’il prend fait vibrer tout son corps, jusqu’au bout de son sexe. Cette vibration se propage dans ma bouche. Le temps arrête sa course dans cette communion de nos deux corps, il me semble que de l’atmosphère suinte la mélodie d’Amazing Grace.
La voix de Laurent est d’une douceur incroyable quand il me dit « Viens ! » Nous faisons l’amour tendrement alors qu’on s’était mis d’accord pour baiser fougueusement. Néanmoins, loin de nous désoler, ce changement de programme nous réjouit.
Je prends un plaisir fou à regarder son corps, dont les imperfections, en le rendant humain, l’embellissent et me rassurent. Si je rêvais, je ne les verrais pas. Le regard que Laurent pose sur moi me séduit au-delà du raisonnable et ce petit cri animal qu’il pousse quand il jouit hérisse mes poils de plaisir, alors, enfin mon orgasme explose.
– D’habitude, je n’embrasse pas, mais je sais que tu n’y verras pas le début d’une histoire d’amour. N’est-ce pas ?
– Oui. Je n’ai pas envie de me lancer dans une histoire sérieuse, surtout si, comme je le présume, tu es en couple.
– Alors, je peux te dire deux secrets. J’ai une super envie de t’embrasser et… je ne m’appelle pas Laurent.
– Ça tombe bien, parce que figure-toi que j’en ai aussi envie… et que je ne m’appelle pas Geneviève !
Nous passons au moins un quart d’heure à nous embrasser, à nous appeler Laurent et Geneviève. On rit comme des ados et comme cela arrive plus vite aux jeunes hommes qu’à ceux de notre âge, la bite de Laurent retrouve une vigueur toute juvénile. Il en est émerveillé.
– T’as vu, Geneviève, je rebande déjà ! Si j’osais…
– Hé bien, ose, Laurent, ose !
L’étreinte torride que nous avions espérée arrive enfin, avec un peu de retard certes, mais je préfère y voir une forme de politesse, elle a sans doute jugé plus décent de s’effacer devant cette grâce arrivée à l’improviste.
Nous nous promettons de ne pas chercher à réitérer, la magie de cette soirée tenant au fait qu’elle restera unique et son intensité gravée à jamais dans nos mémoires. Laurent, tout comme Geneviève, feront semblant de rien quand ils se croiseront, dès lundi matin, dans le RER. Ce secret, leur pacte restera à jamais leur trésor. Le plus difficile sera de ne pas sourire, de ne pas rosir, et, si j’en crois Laurent, de ne pas bander en imaginant le corps nu de Geneviève.
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