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La preuve - Ariane (4)

Je retourne dans ma chambre, me couvre de tout ce qui peut me protéger de la pluie, comme un ciré jaune et des bottes en caoutchouc vertes, attrape mon sac, y fourre une paire de ballerines, parce que bon, les bottes dans les flaques d’eau ça passe, mais dans un hôtel, bof. Je dévale les escaliers tellement vite que je glisse et manque de tomber sur les fesses. Ce serait dommage de les marquer de bleus, surtout si la bonne portion de la poire se laissait déguster plus tard, entre des draps froissés par des mains serrées de plaisir. Je m’agrippe à la rampe au dernier moment et surveille que le bel escrimeur n’a pas vu la scène afin de ne pas colorier mes joues de rouge. Allez, vous savez bien ! Qui n’a jamais ri à une chute ?

Je viens d’atteindre la dernière marche et heureusement, mes pieds obéissent tout seuls pour arriver au plancher carrelé, parce que mon cerveau se fixe sur une image qui m’empêche de réfléchir à autre chose. Ce Thomas est une véritable œuvre d’art et j’écarquille les yeux pour ne rien perdre du tableau. J’examine les contours, les reliefs, les perspectives, certaines courbes, de beaux renflements et de magnifiques ombres que Dame Nature a dessinés pour le plus grand bonheur de la mortelle que je suis.

Il est là à s’essuyer énergiquement la tête. Les muscles de ses bras roulent sous la chemise trempée. Son déhanché me secoue. Son pantalon, humide de pluie, moule une paire de fesses parfaite qui m’hypnotise. La masse de ses épaules me bouleverse et… et… j’arrête de regarder pour éviter de faire n’importe quoi, comme lui sauter dessus par exemple. Il se retourne brusquement, les cheveux en pétard, avise ma tenue, ouvre sa bouche puis la referme, recommence, et choisit de faire une jolie moue, très proche d’un rire moqueur. Je prends soudainement conscience que j’ai tout d’un ara, ruinant une éventuelle réputation de belle élégante, mais j’ai une excuse, il pleut ! Je hausse les épaules, très digne et attrape un parapluie laissé par un concitoyen sur le perroquet près du bureau d’accueil.

— Ma voiture est en face, dis-je en employant le ton d’une reine face à son sujet. Je sens parfaitement qu’il se contient d’éclater à nouveau de rire. Je le défie des yeux de le faire et je gagne la partie puisqu’il me répond succinctement et sur un air neutre :

— Allons-y.

Il endosse ses sacs sur une seule épaule et sort en ouvrant le pépin. Tandis que je ferme le local à clé, il se colle à moi pour nous protéger et me prend par le bras afin de marcher au même rythme jusqu’à la voiture. Sa main est chaude, je la sens malgré l’épaisseur du ciré. Il fait deux têtes de plus que moi et je suis obligée de trottiner pour être dans ses pas. Mon pied heurte un pavé irrégulier qui me déséquilibre et me bascule vers l’avant. Thomas m’enlace aussitôt contre lui pour me retenir. Nous sommes face à face. Son corps est dur, je frémis sous la puissance de ses cuisses contre les miennes. Il n’y a pas que ça que je discerne et si mon imagination ne me joue pas des tours, mes fantasmes s’affolent. Son souffle est rapide, ses yeux brillent. Un imperceptible mouvement de ses hanches me prouve qu’il pense à la même chose que moi. Je pose une main juste en dessous d’un de ses tétons, je vois son aréole et ma bouche s’ouvre malgré moi. J’aimerais l’aspirer afin de savoir l’effet que cela lui ferait. Frissonnerait-il à cette caresse ?

Hélas, un gros grain retourne le parapluie et nous indique que le temps n’est pas à la bagatelle. Je recule, les joues en feu et le sexe brûlant, j’ai tellement envie de lui que je serre les cuisses pour apaiser le manque. Je me précipite à l’intérieur de ma voiture et agrippe le volant, brusquement consciente de l’étroitesse de l’habitacle, le cœur en état d’affolement général. Comment vais-je tenir ?

Je respire un grand coup puis mets le contact tandis qu’il ouvre le coffre, y jette ses bagages et le parapluie inutilisable dans un geste rageur, enfin d’après ce que je vois sur le rétroviseur intérieur. Il se rue à côté de moi et claque la portière en jurant après le temps.

— À quel hôtel êtes-vous ?

— Le Palais, me dit-il en serrant ses bras autour de son buste. Il est une fois de plus trempé de la tête au pied et grelotte de froid.

Gentille fille, j’augmente le chauffage. Il me remercie d’un sourire qui illumine son visage et me laisse pantoise. Je ne peux me détacher de lui et me gorge de sa beauté qui alarme ma libido. Ma main reste coincée sur la position « chaud ». Ses yeux noirs me brûlent. Sa bouche s’ouvre, je me penche vers lui puis me ressaisis : les papiers, pense aux papiers...

J’enclenche les vitesses et me concentre sur ma conduite, il ne manquerait plus que j’aie un accident ! Je reluque son profil d’un œil, gardant l’autre sur la route : une bouche charnue, un nez fort, une jolie plantation de cheveux, des sourcils bien dessinés, fournis et qui se rejoignent presque. Merde. Monsieur est parfait. Il regarde droit devant lui, ses poings sont serrés sur ses cuisses. Son visage est fermé, ses joues contractées. Il ne semble pas à l’aise du tout.

Eh bien, nous sommes deux ! La promiscuité de ce corps ne m’aide pas à conduire sereinement. Je sens son parfum que la pluie a collé sur sa chemise, il me transporte dans un monde de luxure. Je me projette des scènes libidineuses où il est question de jambes en l’air, de cambrures, de baises chaudes et vigoureuses, de gémissements et de soupirs. Je manque de faire une embardée lorsqu’il soulève son bassin pour tirer un mouchoir de la poche de son jean trempé. La bosse évidente au milieu de ses jambes me raconte une histoire qui avive ma frustration de ne pas la vivre.

Je déglutis, j’ai la bouche sèche.

Fort heureusement, l’hôtel n’est plus très loin. Je suis une héroïne d’avoir tenu le coup sans férir mais je n’en tire aucune satisfaction !

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