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Photo du rédacteurAriane Frontezak (ex Jeanne Malysa)

La preuve - Ariane (2)

Merdemerdemerdemerde.

Je suis à des milliards de millimètres de chez moi et je récite cette litanie, le cerveau plombé. Je lutte contre les coups de vent qui s’obstinent à me rendre totalement impudique face un homme qui n’en rate pas une miette. Je vois qu’il est beau. Je n’ai pas d’autre mot pour l’instant, trop concentrée à le détailler de la tête aux pieds. Il fait tout de même très frais et je devrais penser à autre chose que de saliver devant cette silhouette dévoilée par le vêtement qui s’enroule dans son dos. On dirait un ange noir. Ça fait l’amour, un ange noir ?

Je me reprends et parviens à domestiquer ma nuisette. Le type s’avance vers moi d’un pas assuré, les yeux plissés et les bras tendus. Il est grand, non ? Histoire de ne pas lui montrer qu’il m’impressionne, je lui crie (le vent fait un boucan du diable) le plus naturellement du monde :

— Avez-vous vu Marcel ?

L’homme marque un temps d’arrêt, le regard perplexe.

— Qui ?

— Marcel. Mon chat.

Il affiche un sourire aussi large que le canal de Suez, retire son imper et m’enveloppe avec.

— Vous m’auriez dit « ma chatte », je vous aurais répondu que j’en ai bien vu une, belle, soyeuse et attirante au point de l’amener à ronronner, mais je suis désolé, je n’ai vu aucun félin.

Il se colle à moi pour me frotter le dos, mes cheveux lui giflent le visage. Il y a même quelques brins agglutinés sur ses lèvres. J’aime les savoir là. Pourquoi ? Ses doigts les retirent délicatement. Ce geste me fait fondre. Ah.

Je croise l’imper sur ma poitrine, hume l’odeur qui s’en dégage et qui me plait beaucoup, beaucoup. Beaucoup.

L’ange noir le remarque. Il fixe ma bouche et lèche la sienne sans s’en rendre compte, tout du moins je l’imagine à son regard confus. Il me tente. Il s’incline. Nos lèvres s’entrouvrent, mais une corne de brume nous rappelle à l’ordre. Il recule, exprime un juron dans lequel j’entends de la frustration, de l’amusement et de l’appétit.

En temps ordinaire, j’adore faire cet effet, si nous devions partager une chambre, je ne coucherais probablement pas dans la baignoire. Or, la tempête approche, je ne connais pas ce mec et je ne suis pas née de la dernière pluie. C’est peut-être un pervers.

— Marcel est un vrai peureux ! Il faut que je le retrouve à tout prix, alors je vais me... dis-je en pointant la permanence.

— Bien sûr, il faut sauver Marcel. Il vous faut une tenue plus en rapport avec le temps. Je vous suis.

— Pour quoi faire ?

— Mon imper. Même si j’aime bien le voir vous tenir compagnie, j’en ai encore besoin, surtout maintenant.

« Maintenant » parce qu’il risque de pleuvoir ou « maintenant » pour cacher cette jolie bosse ? Qu’est-ce que je fais ? Je rentre à reculons pour ne pas le perdre de vue ou bien je lui fais confiance ? Il est transi de froid et s’étreint le buste pour se réchauffer, je pense donc que je peux lui laisser le bénéfice du doute et puis je suis une grande fille, je sais me défendre. Oui, mais ma bombe anti-agresseur est dans mon sac, au chaud dans ma chambre. Merde. En plus, son visage me dit quelque chose : un portrait-robot vu dans les journaux ? J’opte pour une démarche de crabe et lui demande juste avant de rentrer à l’abri, alors qu’il reste encore à l’extérieur.

— On se connaît, non ?

— Je n’ai pas ce plaisir en ce qui vous concerne et croyez bien que je le regrette, parvient-il à répondre en claquant des dents. Je suis Thomas Bastin et je ne serais pas contre un toit.

Il lève son index vers le haut, inquiet. Trop tard. Des trombes d’eau s’invitent à la conversation et le trempent de la tête aux pieds. Thomas Bastin… Thomas Bastin… répété-je, indifférente à la détresse de l’ange qui bat des ailes et qui grimace sous la douche glacée. La mémoire me revient.

— Mais oui ! C’est un des noms qui sont à l’affiche du salon. Quelle est votre spécialité ?

Rassurée, je le laisse faire un premier pas chez moi. Il me lance un coup d’œil étonné. Dois-je lui avouer que je ne suis pas vraiment au fait des actualités sportives ?

Ses yeux noirs me regardent en coin, il répond en hésitant.

— Euh, l’escrime...

C’est bizarre, il n’a pas l’air d’être sûr de ce qu’il dit. Il fait un deuxième pas et claque la porte au nez du vent. Il s’adosse à la paroi et ne bouge plus, comme s’il attendait quelque chose.

Me sauter dessus ? Ah non, son imper.

Mon dieu, cette chemise qui lui colle à la peau est un véritable appel à lui arracher les boutons. Je n’ai même pas besoin de deviner les tablettes de son buste et les muscles de ses bras. Le tissu trempé montre tout. Tout comme celui de son pantalon. Je n’ai plus de salive.

— Je meurs de froid. Je peux récupérer mon imper ?

Non. Tu es bien trop beau sans.

— Non.

— Pardon ?

Je lève la main - aïe, la bague de ma grand-mère (un joli diamant qu’elle tenait de sa mère et qu’elle m’a offert pour mes vingt-cinq ans) est encore tournée dans le mauvais sens. Je la remets à l’endroit – et me désigne.

— Je dois me couvrir avant de vous le rendre.

Il a suivi mon geste et semble être hypnotisé par le bijou. C’est vrai qu’il est beau à mon annulaire gauche. Il tâtonne la porte sans se retourner, le visage crispé. Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il veut fermer à clé ? Mon cœur fait un arrêt.

— Écoutez, si vous pouviez vous dépêcher, j’aimerais me rendre à mon hôtel.

Ah, d’accord. Allez, reprends-toi et sois gentille.

— Vous êtes trempé, je vais vous chercher une serviette avant.

— Merci, mais non. Je suis pressé !

Le ton ferme et sec me choque.

— C’est quoi votre problème ?

Il soupire fortement et hausse les yeux au ciel.

— La concurrence, me dit-il, le visage peu amène.

Quoi ?

— Pardon ?

— Peu importe. Faut que je parte !

Il arrache son pardessus de mes épaules et le jette sur les siennes, ses cheveux projettent des gouttelettes qui mouillent le haut de ma nuisette juste sur ma poitrine. Il arrête son geste et me dévore littéralement. Je crois même qu’il ne respire plus.

Les perles de pluie coulent sur le tissu, mes seins pointent leur bout sans me demander la permission, un courant d’air s’échappe du bas de la porte et en profite pour soulever le déshabillé jusqu’à ma toison. J’ai toujours eu un côté exhibitionniste, j’adore les brûlures des regards des hommes lorsque je me dévoile et ceux de ce Thomas, noirs intenses, m’enflamment aussitôt. Ils me racontent une histoire où toutes les débauches seraient autorisées. Celles où il est question de lécher, de goûter, de pénétrer.

J’ai soudainement très chaud, même si le vent s’invite encore une fois chez moi lorsque Thomas s’enfuit sans même claquer la porte derrière lui.



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