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La preuve - Ariane.


Comment risquer d’être arrêtée pour attentat à la pudeur ? En oubliant la venue d’une tempête sur le littoral.

J’explique.

J’habite dans une petite ville au bord de l’Atlantique, là où le climat est très clément puisqu’on y trouve des palmiers et des mimosas. Plein de mimosas. Je me demande même si ce n’est pas la première raison pour laquelle j’ai répondu positivement à l’offre de ma patronne de partager mon temps de travail entre Paris et sa permanence parlementaire en circonscription. Elle m’avait embauchée à la moitié de sa première mandature, ayant fait mes preuves auprès d’elle durant les stages de mes triples masters (je n’arrivais pas à me décider, alors j’ai fait histoire, communication et Sciences Po. C’est avec ce dernier que j’ai trouvé ma vocation). Mon travail est précaire, car on peut se faire virer au bout de cinq ans, mais je m’en fous, j’adore ce que je fais et je n’en changerais pour rien au monde, pensé-je du haut de mes vingt-cinq ans et la vie devant moi.

Je vivais à cette époque dans un studio de deux mètres carrés, sortais d’une relation abracadabrantesque et aspirais à respirer un autre air. Je n’ai donc pas hésité à quitter Paris, son atmosphère et les mecs encombrants, pour quelques jours par semaine.

Je me suis installée au-dessus du local de sa permanence et j’ai pris mes marques en frappant aux portes des habitants durant la campagne électorale où ma députée se présentait pour la seconde fois. Lorsqu’elle a été réélue à plus de 75 % des voix au premier tour, les hourras ont fusé. Inutile de dire que j’ai savouré cette victoire et accepté les compliments : « Ariane, t’es la meilleure. Ariane, l’as de la campagne. Ariane ceci, Ariane cela. »

Je l’ai dignement fêtée durant toute la soirée et une partie de la nuit dans les bras d’un beau gosse dont je ne me rappelle plus le nom. J’ai honte. Quoique, pas vraiment : mon lit a été un véritable champ de bataille, dans lequel mon partenaire a vaillamment subi mes assauts et où je me suis conduite en héroïne, telle la « Liberté guidant le peuple », le tableau de Delacroix censuré par erreur par Facebook. Je lui ressemble un peu, mes seins sont plus jolis, je suis plus petite, brune aux yeux noisette et aux pommettes roses, souvent rouges lorsqu’il fait froid ou quand je m’agite. Comme cette nuit-là.

Je revois le beau gosse essoufflé, repu et inerte, ahanant un : « Putain, tu m’as tué ». Romantique, non ? D’où son nom jeté aux oubliettes.

Forte de son succès, ma députée a été élue Présidente à l’Assemblée nationale, comme quoi tout arrive, et submergée de responsabilités en tant que quatrième personnage de l’État, elle m’a chargée de veiller à temps plein sur ses concitoyens, me sachant parfaitement à la hauteur pour cette tâche ardue, parfois ingrate, mais tellement passionnante. Inutile de dire que j’ai sauté sur l’occasion de m’implanter définitivement au milieu des mimosas.

Ce week-end, je pouvais enfin lézarder. La permanence est fermée : la présidente ne passera pas ces deux jours dans son fief comme à son habitude, car elle doit se « fader », ce sont ses propres mots, le Festival de Cannes. Ben voyons. Ce doit être une véritable galère de serrer la main à Steven Spielberg ou de faire la bise à Tom Cruise.

Chacun sa croix, la mienne a pour nom Marcel.

Mon chat, noir, m’a rappelée à six heures ce matin le vide de sa gamelle. Je me suis levée et marché en mode zombie jusqu’à la cuisine, j’ai cherché à tâtons sa boite de croquettes, versé la dose en visant à côté et je suis retournée me coucher, gelée, parce qu’une nuisette ne réchauffe rien et qu’il fait tout de même un peu froid à cause de cette tempête annoncée. Je me suis enroulée dans la couette tel un nem dans sa feuille de salade. Des bras chauds et virils auraient bien fait l’affaire, mais j’ai jeté les derniers il y a quelques semaines. Ils n’étaient pas assez conformes à mon tempérament bouillonnant qui désire du vibrant et du croustillant. Voire du piquant. Je me suis endormie sur des images licencieuses où un prince noir m’emportait vers son donjon et m’associait à toutes ses folies lubriques.

Je me réveille en sursaut lorsque j’entends un volet claquer violemment. Marcel bondit et se réfugie sous le lit, ce couard.

Affolée, je ne prends pas le temps de m’habiller et je descends au rez-de-chaussée pour m’assurer que tout va bien.

La suite est évidente, non ?

Trop peureux pour rester seul, Marcel est dans mes pattes et manque de me faire tomber à chaque pas. Un bruit de tac-tac-tac m’attire vers l’arrière de la permanence, je constate que le verrou de la porte vibre, la targette se dévisse et le pêne se fait la malle. Je cherche un objet genre tournevis et trouve une paire de ciseaux. Ça fera l’affaire, car le tac-tac-tac devient un tactactactactac continu qui m’inquiète de plus en plus. Alors que je m’avance pour régler la situation, une violente bourrasque ouvre la porte avec fracas et me souffle une claque d’air glacé qui m’asphyxie. De surprise, je lâche les ciseaux sur le dos de Marcel qui n’apprécie pas et se sauve à l’extérieur, vers le danger. Sans réfléchir, je sors pour le rattraper. Une rafale s’engouffre aussitôt sous ma nuisette, soulève le tissu et dénude mes fesses dodues, mon mont de Vénus et mes seins blancs.

Heureusement, il n’y a personne pour assister à cet effeuillage involontaire.

Hormis un homme qui s’avance vers moi…

Mince.

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