Cette fois-ci ça y est, l’échéance approche… Une fenêtre de liberté va s’ouvrir au milieu d’un quotidien presque minuté, prévu et consciencieusement organisé : J’ai réservé le petit cottage anglais dont je rêvais, pour 6 jours.
Des heures de recherche sur le net, à rêver et à projeter des instants de solitude, loin de tout. Me retrouver et m’offrir le plaisir de me laisser vivre et de faire les choses à l’envie. J’ai envie d’écrire. Voilà plusieurs années que je ne l’ai pas fait et jamais ainsi. J’aimerais m’y remettre et plonger dans cet univers que j’aime tant, fait d’érotisme et de plaisirs mêlés.
Burry est à quelques heures d’ici. Un village typique des Cotswolds, loin de tout.
Une heure d’avion jusqu’à Londres, puis le double de temps pour le trajet et me voici enfin arrivée.
Je reconnais le petit muret, en pierres grises, assorties à la couleur des tuiles, qui enserre un jardinet entretenu. Quelques troncs et branches nues, serpentent et se figent sous la neige fraiche. Le sol est un tapis immaculé, reflet des lueurs froides qui percent à travers les nuages épais. La maison est assez petite et semble douillette. Une maison de campagne élégante et rustique, en pierres miel, typiques de la région. Un petit bijou dans un écrin de cinq maisons, toutes aussi charmantes, à quelques miles du village.
Je laisse plusieurs empreintes dans la neige et je m’aperçois qu’il n’y a que le code à reproduire sur la porte d’entrée, qui trahit le cliché pittoresque de cette maisonnette, si habituée à recevoir les hôtes d’Air Bnb à la chaîne.
La porte s’ouvre sur des fleurs en bouquet, disposées sur la table au centre de la pièce. Elles décorent aussi les tissus et les murs. Il me semble plonger dans un magazine de déco. Les fauteuils et canapé confortables, en tissu, accueillent de gros coussins beiges aux motifs rosehearty pâles, ton sur ton avec le tartan épais des rideaux. L’atmosphère est douce, les crépitements du feu de cheminée précédent, embaument encore la pièce. Une odeur de cendre et de bois qui se mêle aux senteurs de roses et de cire.
Tout est comme sur les photos : les poutres apparentes, des décors maximalistes et un peu fouillis, les briques sur un des murs de la pièce à vivre. Les meubles dépareillés, le rayonnage d’une centaine de livres aux accents sophistiqués et précieux, qui s’aligne sur tout un pan de mur : la fameuse bibliothèque murale de la seconde photo. De belles pierres sur le sol de la cuisine aux façades en bois beige, des coquilles dorées en guise de poignées.
Les propriétaires, qui cumulent les bonnes notes sur le net, ont bien compris les attentes de leurs hôtes. Ils ont disposé à travers la maison, une multitude d’attentions réconfortantes : des bougies, quelques spécialités locales à grignoter, des plats typiques conservés au frigo et enfin plusieurs couvertures et plaids près du foyer. Une guirlande lumineuse de saison, orne la rambarde de cet escalier à l’anglaise. Des lueurs chaudes scintillent et dessinent cette courbe ascendante qui vrille. Je file sur ces marches et me voici à l’étage.
L’escalier donne directement sur la porte de la chambre. Un lit à barreaux, en fer forgé noir aux formes romantiques, un large tapis en toile qui déborde le lit et couvre presque tout le parquet vieilli. Je sais pourquoi je souris… je pense à lui et à mes poignets rivés à ces barreaux, comme aux siens. Ce n’est pas une chambre, mais une salle de jeux british, aux odeurs de linge propre. Les froufrous et le lustre assorti ne donneraient pas le ton, conjugués à quelques autres accessoires plus « fetish », et à sa présence ravageuse.
Les couches de couettes épaisses, de coussins bombés et d’édredons, dégonflent lorsque j’y dépose mes affaires. Je les rangerai plus tard. La salle de bain, située au bout du petit couloir, est aussi fidèle à la description : des pieds en laiton griffent et tiennent la baignoire ancienne, elle trône au milieu de la pièce étroite. Des robinets rétro et un meuble en bois brut, en guise de meuble de salle de bain. Quelques rangements aussi rudimentaires que charmants.
A peine installée, je me précipite vers la cheminée pour y allumer un feu. Les petites brindilles se froissent sous l’effet des premières flammes, le feu lèche le bois qui commence à craquer.
Je vais passer des vêtements plus confortables : ceux que je compte porter ces prochains jours, volontiers retirée dans cet intérieur cosy. Je quitte ma tenue du jour, retire mes sous-vêtements et enfile une longue chemise de nuit chaude, en flanelle tartan. Je me fonds dans le décor. Un châle sur les épaules, le temps que le feu prenne.
Mes jambes sont nues. Mes pieds aussi. Je m’amuse et goûte les textures qui éveillent la plante de mes pieds. A nouveau, je songe à lui. Quelques plaisirs froids et durs, qui tranchent avec la douceur ambiante. J’ai envie de lui, ici. Une pointe d’amertume me pique, quand je le sais si loin. Il n’a pas pu venir. Je sais aussi que je profiterai de ces instants solitaires, mais là : je ne veux que lui.
Quelques heures suffisent pour apprécier ce lieu, comme un bonbon. Trois jours déjà que je vis au rythme de l’inspiration délicieuse qui s’écrit. Je mange uniquement quand j’ai faim et je ne dors que lorsque j’y songe. Je me plais à vivre ainsi, presque à rebours du monde qui m’entoure. Seule et toute puissante la nuit, je m’endors et m’évade le jour. L’horloge n’est qu’un décor dans ce tableau à l’anglaise, dans lequel j’aime crayonner. Je me laisser porter par le plaisir de déposer tout ce que je veux sur papier. Je suis aussi légère que l’odeur de cuisine. Le sucre chaud de la pâte à biscuits flotte dans l’atmosphère : de la douceur dans l’air.
Juste la lueur d’une lampe, quelques bougies qui éclairent la nuit, une tasse d’infusion épicée et deux boites de « Mon Chéri » à volonté… : je reprends l’écriture. Un coup d’œil sur les fameuses boites rouges, élégantes et luisantes et j’ai la sensation de le déguster, lui. Je le veux, encore. Je vais l’écrire. Je vais l’écrire et lui envoyer !
Imaginer ses yeux parcourir les lignes indécentes que je compte lui adresser, me rend déjà liquide : "Serais-tu là ?"
Un message que j’envoie à cette heure-ci…. Ce n’est pas gagné, qui plus est avec l’heure de décalage horaire. J’ai envie de lui. J’ai envie de le faire bander, à plus de 400 kilomètres. Sa peau, les vibrations animales de sa voix, ses mains….
" Je suis là". Étonnée de recevoir une réponse en moins d’une minute, je poursuis : "Tu es seul ? - Oui. Tu es bien arrivée ?"
En quelques échanges, il connait le cottage comme s’il y était. Le décor, les attentions charmantes des propriétaires, les mets délicieux. Nous échangeons des banalités, mais il veut plus. Décrire ma tenue et répondre à ses quelques exigences me font fondre, même à distance. Peu à peu, la cyprine se met à couler et à baigner délicieusement mes lèvres. Il sait que j’aime écrire et que je profite de ce séjour pour le faire. Il sait aussi que le temps n’a pas de limite pour moi, qu’il peut abuser de tout ce qu’il veut, autant qu’il le désire, n’importe quand. Je ne suis soumise à rien d’autre qu’à lui et ses désirs, même ici.
A sa demande, nous basculons en conversation audio.
Sa voix.
Je l’écoute, lui et la balade mélodieuse de son désir, qui fait danser mes envies. Je l’imagine, là. Mon regard plonge dans la fenêtre qui donne sur la nuit noire. Une fenêtre ouverte sur l’inconnu de la nuit. C’est lui.
Je lui parle et il me voit.
Ici, les maisons n’ont pas de volet. Seuls les rideaux épais dissimulent les intérieurs, une fois la nuit tombée. Je me suis laissée surprendre par la nuit tombante… je suis sa proie.
Le grain de sa voix résonne avec celui de sa peau, la mienne frissonne. Je me délecte de cette conversation sage et du plaisir qui s’éternise dans le creux de mes hanches. Je distille mes envies au cours de la conversation : quelques gouttes fines et sucrées, qui perlent et se déposent sur ma langue, puis la sienne.
Il m’attise et me chauffe. Je brûle de lui dire ce que mes doigts jouent à faire, pendant que sa voix percute mes idées qui jaillissent. Je baigne dans ses mots et dans ma chair. Je brûle sous ses yeux qui me percent, dans la nuit.
Les flammes qui dansent près de moi esquissent le feu de son corps, de sa bouche et de son membre qui s’érige. La fragrance du bois m’enivre comme le musc de son parfum. Le plancher qui craque à l’étage : ce sont ses pas qui approchent. La cire fait luire les boiseries et coule entre mes cuisses, sa salive m’enduit. La sensation fraîche sur mes pieds nus, m’hérisse telle l’humidité de sa langue. Les roses qui décorent la pièce, sont sur le point d’éclore entre mes cuisses. Le vide qui m’entoure, le désir avide de lui… L’empreinte de ses mains sont sous les miennes : il me presse, m’invite et m’éveille. Mes seins, sous ma chemise, flambent : ils portent le souvenir de nos jeux interdits, ils sont chauds et endoloris. Le spectre de sa voix est dans la mienne qui gémit, il est dans ma gorge, son gland sucré épouse mon palais et caresse ma langue. Les traces de son parfum sont fondues au mien, il me colle à la peau.
Je pénètre ma fente trempée dans un bruit obscène qui lui plait, je suis à deux doigts de lui.
Il vient.
J’expire et gémis bruyamment, il va me faire hurler de plaisir. L’air pénètre indécemment ma bouche et soulève ma poitrine. Un frisson parcourt la peau de mon ventre dénudé. J’ai froid.
Une lumière perce.
Tout se dissipe.
Je suis là, étendue sur le canapé.
L’ordinateur est sur la table.
Près de moi, mon téléphone qui affiche un message resté sans réponse : « Serais-tu là ? ».
Lui, je l’ai dans la peau.
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